Calendrier de l'avent 2022

8 décembre 2022

Marie-Cannelle, toute à sa joie, préféra ne pas laisser traîner les choses. Il fallait qu’elle annonce la nouvelle, pour être certaine que les festivités auraient bien lieu et que, dans un moment de panique, elle ne reculerait pas. Autant mettre toutes les chances de son côté !

Elle ébaucha quelques modèles d’affiches mais n’était pas satisfaite du résultat. Il manquait toujours un petit quelque chose pour que la magie opère. Un soupçon de fête, un grain de bonheur ou encore une touche de paillettes…

Marie-Cannelle soupira. Elle n’arriverait décidément à rien. Il était temps de se changer les idées et un thé lui ferait le plus grand bien. Elle réinstalla contre la porte le carillon en bois flotté et coquillages, qu’elle enlevait lorsqu’elle était dans la boutique, pour être avertie de la présence de visiteurs et monta à l’étage. Elle se saisit de la vieille bouilloire et la mit à chauffer sur la gazinière. Puis elle saisit la tasse de Mélie, y plaça un sachet de mousseline et versa l’eau chaude mais pas bouillante. Elle attrapa quelques biscuits qu’il restait de l’année dernière et redescendit dans la boutique.

Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir un magasin plongé dans la pénombre. Comme si quelqu’un avait subitement éteint la lumière. L’après-midi touchait à sa fin. Le soleil, qui éclairait encore l’étage, était masqué au rez-de-chaussée par la maison située en face, dans la rue.

— Gabriel ? Gabriel, c’est toi ?

Personne ne répondit. La boutique semblait être vide. Marie-Cannelle n’était cependant pas rassurée. Elle saisit un tisonnier, partie centrale d’un ensemble pour cheminée, et entreprit de faire le tour du magasin, à la recherche d’un éventuel intru. Elle ne se sentait pas l’âme d’une guerrière et serait bien en peine d’utiliser son arme improvisée, mais le contact avec le métal froid lui donnait un temps soit peu de contenance.

Après avoir fait deux fois le tour du Bazar, regardé dans les différents meubles et fouillé la réserve, elle dut se rendre à l’évidence, elle était seule. Elle décida alors de rallumer les lumières. Rien n’y fit. Éclatant d’un rire communicatif, la jeune femme comprit alors son erreur : personne n’avait coupé volontairement la lumière, ce n’était que les plombs qui avaient sautés… Le tableau électrique, qui se trouvait dans la réserve, n’était lui non plus pas à incriminer pour l’absence de lumière. Un coup d’œil par la vitrine lui apprit qu’elle n’était pas seule dans ce cas-là. Aussi y vit-elle un signe du destin : il était temps de prendre une pause.

Enfilant une doudoune rose pâle et son écharpe framboise, elle fit une halte à la boulangerie de Gabriel avant de rejoindre le chemin de la côte. Le vent soufflait encore mais la journée n’avait pas été mauvaise et elle disposait d’encore assez de luminosité pour se promener un moment. Les pointes étaient là, à sa disposition, sans touriste, juste de quoi se changer les idées. Empruntant le GR 80, elle se balada le long de l’île plate. Elle longea la Pointe du Bouet, la plage des Roses, puis rejoint la Pointe de la Gournaise en passant par la Pointe du Cantin. Pas âme qui vive en ces lieux. Les habitations étaient faiblement éclairées par quelques bougies que l’on voyait scintiller par les petites fenêtres. Les ouvertures, dans les maisons de l’île, étaient petites, pour protéger les intérieurs des vents forts qui soufflaient l’hiver.

Ses pas la menèrent ensuite vers le Caillou Blanc, amas de roches surprenant qu’elle avait escaladé tant et plus étant petite. Enfin, elle coupa à travers l’île pour rejoindre la Butte de la Petite Foule, qui portait le Grand Phare, puis la maison de Mélie. Elle y parvint en même temps que Gabriel.

— Tu sais qu’on n’a plus du tout de courant ?

— Oui, je m’en suis rendue compte !

— Tu sais pourquoi ?

— La tempête a endommagé un transformateur… Les techniciens ne pourront pas venir avant demain dans l’après-midi. Érine est partie chez ses parents sur le continent, elle reste là-bas du coup.

— Tu restes dormir ? On s’installe dans le salon, à côté de la cheminée et on se fait une soirée cartes si tu veux. Et tu m’aideras pour les affiches, tant que j’ai de la batterie sur mon PC.

— Mouais… charmant programme, ironisa-t-il. Et pourquoi pas une soirée en amoureux, aux chandelles, tant qu’on y est !

Marie-Cannelle éclata de rire. Cela faisait partie des blagues de longue date entre eux, du temps où leurs parents, et surtout leurs grands-parents, avaient espéré qu’ils s’installent ensemble.

La discussion continua d’être animée entre eux. Tandis qu’ils se taquinaient, comme deux adolescents, ils pénétrèrent dans la maison. Le feu s’était éteint et l’atmosphère s’était fortement rafraîchie. Tandis que Gabriel rallumait une flambée dans la grande cheminée, Marie-Cannelle s’empressa de couper des légumes et de mettre une soupe à cuire sur la cuisinière à bois de la cuisine. Une chance que Mélie ait toujours refusé ce qu’elle appelait la technologie et qui n’était rien d’autre que de la modernité. Le petit logement se réchauffa peu à peu. Gabriel était allé chercher des couvertures épaisses et avait installé des coussins sur le sol devant la cheminée.

Les deux amis s’installèrent pour dîner. Ils laissèrent leur vaisselle dans l’évier puis Marie-Cannelle s’empara de son ordinateur et ils commencèrent à ébaucher les affiches. Les idées venaient naturellement. Le Bazar leur tenait à cœur à tous les deux et Gabriel souhaitait faire son possible pour aider son amie à passer ce cap difficile. Même si les festivités représentaient de très bons moments à venir, il ne doutait pas qu’elles seraient empreintes de tristesse.

La soirée de travail leur rappela également de très bons souvenirs : ceux de l’inauguration de la boulangerie. Érine n’avait pas encore posé le pied sur l’île et Marie-Cannelle avait été très présente pour son ami. Ensemble, ils avaient décoré la petite boutique, organisé les espaces, rangé et nettoyé les locaux vieillots. Ils avaient réfléchi à un nom, à un logo et à tout ce qui pouvait rendre le lieu unique. Il était temps, pour Gabriel, de lui rendre la pareille.

La nuit était bien avancée lorsqu’ils observèrent leur travail. Il n’était pas encore question d’imprimer les affiches, mais le rendu sur le petit écran leur semblait agréable. Une photo de Mélie devant la boutique avait été ajoutée et le message était clair : le mois de décembre au Bazar de Mélie s’annonçait inoubliable. Les deux amis s’étaient aussi penchés sur le programme des festivités. De marché de noël en concours de crèches, d’ateliers « guirlandes » en après-midi de cuisine avec le boulanger, chaque jour comportait son lot de surprises et de plaisirs.

— Mélie aurait été fière de toi, lança Gabriel avec un clin d’œil.

— De nous ! Mais oui, je pense aussi. Allez, au lit !

— Je vais rentrer, moi…

Marie-Cannelle se tourna vers lui, le regard sombre.

— Gabriel Julien Turbé ! Vous n’allez quand même pas rentrer à cette heure-ci ! Tu as vu le temps dehors ? Et rien n’est éclairé, je te rappelle !

— Et tu crois qu’ils faisaient comment, avant, madame la maligne ? Et je te rappelle que ma voiture a des phares fonctionnels !

Le jeune boulanger était têtu, ce n’était pas une surprise. Aussi, après avoir embrassé son amie, il monta dans la voiture et se dirigea vers sa maison. Marie-Cannelle le regarda disparaître dans la nuit noire, un pincement au cœur…

Lorsque les rayons du soleil réveillèrent la jeune antiquaire, le courant était revenu. Les techniciens avaient travaillé d’arrache-pied pour permettre que le transformateur fonctionne de nouveau.

Il était temps d’ouvrir la boutique, d’imprimer les affiches et d’en installer partout. Le Bazar de Mélie méritait de fêter un dernier noël digne de sa réputation : entouré d’amis et de proches, dans le partage et la joie. Aussi Marie-Cannelle confia-t-elle à un des adolescents des voisins de la boutique la lourde responsabilité de distribuer des affiches aux commerçants de Port Joinville. Son frère, lui, prit la route à vélo vers Saint-Sauveur. Les deux enfants étaient ravis de cette activité non prévue et Marie-Cannelle put se consacrer à ses réflexions sur les préparatifs à venir. Il restait si peu de temps et tellement de choses à faire…

La nouvelle du dernier Noël du Bazar de Mélie s’était répandue comme une traînée de poudre. Elle avait fait le tour de l’île en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire et les témoignages de soutien étaient nombreux, mettant à chaque fois les larmes aux yeux de Marie-Cannelle. La boutique ne désemplissait pas, chacun venait féliciter l’antiquaire pour sa merveilleuse idée et racontant quelques souvenirs avec Mélie.

En complément des festivités, Marie-Cannelle eut l’envie de garder tous ces souvenirs, de les archiver pour toujours. Elle pourrait ainsi, plus tard, raconter à ses enfants qui était Mélie et ce qu’elle avait fait des lieux. Elle choisit un très bel album de kraft chez Julie, de Papiers et Cie, ainsi que des cartons dorés et rouges, sur lesquels les habitués pourraient écrire leurs anecdotes et coller les photos qui ne manqueraient pas de ressortir du grenier…

https://mickaeleeloyautrice.wordpress.com/calendrier-de-lavent/

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