Calendrier de l'avent 2022

18 décembre 2022

Les journées festives se poursuivirent. Après la réussite du marché de noël, les islais prirent l’habitude, chaque jour ou presque, de passer voir Marie-Cannelle et sa boutique, découvrant les idées fantastiques que l’antiquaire avait eu pour magnifier ce dernier noël.

Un après-midi, alors que les vacances de Noël débutaient, la maison de retraite voisine était venue prêter main forte à Marie-Cannelle pour la confection de biscuits aux amandes. Les enfants du centre aéré s’étaient joints à la fête. Marie-Cannelle se revoyait petite, dans la cuisine de la maison de Mélie, à reproduire les mêmes gestes avec autant de délicatesse qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine, et autant de patience qu’elle en avait pour attendre Noël. Certains pensionnaires en avaient profité pour raconter quelques souvenirs de plus sur leur histoire avec Mélie. Marie-Cannelle en apprenait aussi sur l’histoire de l’île, avec ravissement et surprise.

Printemps 1950. Les travaux, au centre de l’île et à la pointe orientale, se poursuivirent. Cela faisait plusieurs années que nous n’avions plus vraiment de phare sur l’île et les marins, même s’ils s’y étaient habitués, n’aimaient pas trop. Les rochers des Chiens Perrins sont mauvais si l’on n’y prend pas garde. Et la mer a gardé bon nombre d’âme au cours de l’Histoire. Oh, il y avait une lumière qui éclairait en mer, mais elle était moins haute et moins puissante que notre bon vieux phare. Mélie, qui habitait déjà à côté du Phare de la Petite Foule, venait régulièrement voir les ouvriers. Elle leur portait de l’eau et du pain, parfois accompagné de fromage. Bien sûr, ils avaient avec eux leur gamelle, mais, disait Mélie, ça fait toujours du bien de partager un peu de pain et de se sentir important. Car importants, ils l’étaient. Quand le Phare a été reconstruit entièrement, ils avaient même donné à Mélie une pierre de celles qui leur restaient, pour la remercier. Et quand enfin, la lumière avait de nouveau brillé en haut, en 1953, je me souviens qu’on avait fait une fête à faire pâlir le 14 juillet. Imaginez, on n’avait plus qu’une tour métallique depuis le 25 août 1944. Ça gâchait tout. Et le Phare des Corbeaux, lui, n’avait même pas été remplacé ! C’était un coup des Allemands, ça. Un sale coup, il faut dire. En partant, ils avaient tout cassé. Il ne restait plus rien de nos phares, de nos repères…

14 mai 1940. L’île vient de voir de nouveaux habitants arriver. Nous nous y préparions depuis quelques jours, mais tout est arrivé très vite. Un bateau a débarqué plusieurs familles, ce matin, sur le port. Mélie était à la manœuvre. C’était elle qui avait motivé les islais à les accueillir du mieux possible. Elle avait aussi prévu quelques madeleines pour les petits, qui pleuraient, blottis contre leurs mères. Il y a surtout des femmes et des enfants. Quelques adolescents et plusieurs hommes de plus de cinquante ans les accompagnent. Tous sont résignés, mais n’ont pas eu d’autre choix que de partir. L’avancée des troupes allemandes compromettait leur sécurité et les autorités préfectorales les ont déplacés. Les pauvres malheureux. Mélie, elle, avait toujours le sourire. Elle essayait de parler aux enfants, leur racontait des plaisanteries pour les faire sourire. Plus tard, quand la guerre s’est terminée, Mélie avait réussi à convaincre deux familles, sur toutes celles présentes, de rester sur l’île. Les autres sont reparties dans les Ardennes, à Monthermé…

Après cet atelier, les chants de Noël avaient résonné longuement dans la boutique, pour le plus grand plaisir des passants…

Le soir, après avoir fermé la boutique, Marie-Cannelle passa nourrir les trois grasses, et elle se dirigea, au volant de la voiture de Mélie et en compagnie de Pomme, vers la pointe Est de l’île. Liam l’attendait. Ils avaient pris l’habitude de passer du temps ensemble et se retrouvaient presque tous les soirs, soit chez les grands-parents de Liam, soit chez Mélie. La journée, quand Marie-Cannelle travaillait à la boutique, Liam continuait de trier les affaires présentes dans la maison. Il rangeait les quelques biens qu’il comptait emporter dans des cartons de déménagement, qu’il stockait dans une des chambres inoccupées. Lorsque la boutique était fermée, le couple se promenait sur l’île, découvrant les différents lieux et s’y racontant leurs souvenirs. Ou ils passaient du temps à deux, à profiter du temps qui passe…

— Alors, ta journée ?

— C’était génial ! Je recevais le centre aéré et la maison de retraite. J’aime vraiment ce mélange de générations, il en ressort toujours de jolies choses. Et j’ai encore appris beaucoup de choses sur Mélie… Et pour toi ?

— Oh, comme d’habitude. J’ai passé mon temps à trier ces vieilleries. J’ai du mal à comprendre que mes grands-parents pouvaient garder autant de choses inutiles… Et je me prépare à tourner la page.

Marie-Cannelle sourit tristement. Elle comprenait parfaitement cette idée, à laquelle elle essayait aussi de se faire. L’île regorgeait de souvenirs avec Mélie et elle se sentait à la fois nostalgique, heureuse et triste. Une larme coula sur sa joue, tandis que Liam lui prenait les mains.

— M-Ci, tu sais, j’ai bien réfléchi. Je sais que ça ne fait vraiment pas longtemps que nous sommes ensemble, mais… L’élevage de coccinelles a besoin de moi, ou plutôt de quelqu’un qui pourra en prendre soin tous les jours. Et je n’ai pas assez de temps pour ça. Je ne voulais pas précipiter les choses, mais… Que dirais-tu de venir avec moi ? Nous ne sommes pas obligés de nous installer ensemble, tu pourrais trouver une petite maison non loin de chez moi, pour garder son indépendance si tu veux. Ça nous permettra d’y aller doucement. Mais tu es si triste sur cette île, je n’ai pas envie de te voir dépérir. Et si tu restes, je sais que notre relation ne tiendra pas le coup.

Marie-Cannelle était surprise. Elle ne savait que répondre. Liam venait de lui faire une jolie déclaration d’amour, mais son cœur, au lieu de battre la chamade, sembla se casser une nouvelle fois. Elle se posait trop de questions, qui n’avaient pour la plupart, pas de réponse. Qu’allait-elle faire après la vente de la boutique ? Quel était son avenir sur l’île ? Survivrait-elle au milieu de ses souvenirs ? Ou devait-elle aller de l’avant ?

— Merci pour cette proposition, Liam. Je suis désolée, mais je ne vais pas pouvoir te répondre tout de suite. C’est trop soudain… Est-ce que tu veux bien me laisser du temps pour réfléchir ?

iam hocha la tête. Puis il quitta le canapé pour se diriger vers la cuisine. Marie-Cannelle, elle, resta assise, sous un plaid, le regard dans le vague. Des bruits de casseroles et autres ustensiles lui parvinrent comme à travers un épais brouillard. Seule l’arrivée de Pomme parvint à la faire sortir de ses questionnements. La chienne, sentant que sa maîtresse n’était pas au mieux de sa forme, était montrée à ses côtés et poussait délicatement sa main de sa truffe fraîche. Alors, sans un mot, Marie-Cannelle se leva, enfila manteau et chaussures et quitta la maison de Liam, sans se retourner. Son amoureux ne chercha pas à la retenir, il savait d’expérience qu’elle avait besoin de calme et de solitude pour que l’idée fasse son chemin, et ne doutait pas qu’elle accepterait de le rejoindre.

[Liam] Je sais que j’ai été un peu brutal et sans doute que je n’ai pas trouvé les mots qu’il faut pour te convaincre. Mais je n’imagine pas rentrer sans toi. Je repars le week-end prochain, pour passer Noël avec mes parents, ma sœur et son mari, et mes neveux. Est-ce que tu viendrais avec moi ? Nous partirons samedi après la fermeture de la boutique et tu seras de retour mardi dans la matinée… Ce ne serait pas un départ définitif mais ça te permettrait de découvrir là où je vis… Qu’en dis-tu ?

Marie-Cannelle avait tourné et retourné la proposition dans sa tête. Elle ne savait quelle décision prendre. Et il n’était pas question d’en parler à Gabriel, qui la dissuaderait certainement de partir, comme il l’avait toujours fait. Alors que le soleil commençait à poindre à l’horizon et à réchauffer le ciel de ses couleurs tendres, elle n’avait toujours pas réussi à trouver le sommeil. Elle saisit son téléphone et répondit à Liam.

[Marie-Cannelle] D’accord, Liam, je pars avec toi. Il est temps que je prenne un nouveau départ. J’appellerai aussi Pierrick, de l’agence immobilière…

Son cœur sembla se libérer d’un poids. Elle eut l’impression de respirer de nouveau, comme après des mois à retenir son souffle. Sa vie lui appartenait et elle pouvait en faire ce qu’elle voulait. Alors, seulement, Morphée put lui rendre visite et l’emporter, dans ses bras réconfortants, vers le pays des rêves…

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