— Tu fais un très bon choix Marie-Cannelle ! Cette maison est bien trop grande pour toi. Et crois-moi, tu trouveras vite preneur, il y a beaucoup de demandes. Qu’est-ce qui va rester et qu’est-ce que tu gardes ?
Pierrick avait fait le déplacement tôt, pour permettre à Marie-Cannelle d’ouvrir la boutique à l’heure. Ce jour était celui du karaoké, elle ne souhaitait pas être en retard dans son organisation millimétrée.
— J’emporterai la cuisinière à bois, c’est certain. Ainsi que le fauteuil. Pour le reste, je pensais faire un vide-maison, avant de vendre…
— De toi à moi, je te le déconseille. Les acquéreurs potentiels ne seront pas rassurés à l’idée que de nombreuses personnes soient venues fouiner dans leur futur logement. Tu seras mieux à tout descendre au Bazar… Bon, si on résume, il y a la maison avec 5 chambres et deux salle-de-bain. Les dépendances se composent d’une grande grange, du poulailler et d’un chalet de jardin. Et le terrain est vraiment immense. Le tout à côté du Grand Phare, en plein centre de l’île. Je pense déjà à quelques acheteurs qui pourraient être intéressés rapidement. Je te recontacte. Et tu cherches quelque chose, toi ?
— Je ne crois pas… Je ne sais pas encore vraiment en fait.
— Ah, très bien. Si j’ai quelque chose qui pourrait te convenir, je te dirai, alors.
Alors que Pierrick quittait la propriété de Mélie, Marie-Cannelle se dirigeait vers la boutique. Elle avait une boule à l’estomac. Mais l’heure n’était pas aux apitoiements. Elle devait continuer d’avancer. Dans la tempête, les navires ne se laissaient pas abattre, ils faisaient leur possible pour rejoindre la terre. Elle devait être forte, elle aussi, comme tous les marins qui s’étaient succédé dans sa famille.
Marie-Cannelle était occupée à installer un grand écran sur pied quand Gabriel entra comme une furie.
— Tu comptais m’en parler ?
— Quoi, encore ?
— J’ai vu l’annonce dans la vitrine de Pierrick. Tu n’as pas perdu de temps. Tu fermes la boutique et à présent, tu vends la maison de Mélie ? Mais qu’est-ce qui se passe, Caramel ? répondit-il d’une voix plus calme.
— Je… Tu sais, j’ai besoin de changement. Je ne tourne pas le dos à Mélie, si c’est ce que tu sous-entends.
Gabriel se rapprocha d’elle et la prit dans ses bras, la serrant contre son cœur.
— Je ne sous-entends rien, tu sais. Je suis juste inquiet. Tu as toujours vécu comme ça et d’un coup, tout change. Je suis surpris, c’est tout. Je me demande si ce Liam ne te retourne pas le cerveau…
Ils n’eurent pas le temps de discuter davantage. Le téléphone de Gabriel sonna.
— Ah, c’est Érine. J’en ai pour un instant.
Le boulanger se tourna pour répondre. Marie-Cannelle, elle, se concentra de nouveau sur l’écran qu’elle devait dérouler.
— Caramel, je dois y aller. Érine a une urgence. Sa mère s’est blessée et elle va devoir aller la rejoindre à Guérande. Mais ne considère pas cette discussion comme terminée, on en reparlera.
Il embrassa rapidement son amie et quitta la rue au pas de course.
Plusieurs clients passèrent dans la journée. Certains cherchaient des objets spécifiques, comme un moulin à café, un tableau représentant une scène de pêche ou encore une armoire ancienne… Marie-Cannelle, qui savait exactement où trouver ces objets, leur proposa de repasser dès le lendemain.
Marie-Cannelle déjeuna rapidement. Elle avait préparé une soupe de pommes de terre au saumon frais. Chaude et parfumée, elle lui fit beaucoup de bien et Pomme, qui désormais l’accompagnait dans tous ses déplacements, savoura les restes.
Alors que la musique commençait à monter, les voisins apportèrent les chaises qu’ils avaient, afin de permettre aux joyeux drilles de s’installer. Les commerçants avaient tous répondu présents en offrant à Marie-Cannelle des lots pour les gagnants du concours de chant. Et bientôt plus une place n’était disponible.
— Le prochain duel opposera l’équipe du salon de coiffure aux services techniques municipaux. Et le lot est offert par Josselin, le caviste de Port Joinville, qui vous propose des assortiments d’épices pour faire des rhums arrangés. La chanson sera… Santa Claus is coming to town, dans la version de Bruce Springsteen and the E Street Band.
Les duellistes grimacèrent, déclenchant l’hilarité de la salle, et les premières notes se firent entendre. Les chanteurs firent de leur mieux, peaufinant leurs stratégies. Les coiffeurs optèrent pour un partage des couplets, alors que les employés municipaux donnèrent de la voix tous en même temps.
— Merci à tous pour ces magnifiques prestations ! Et méfiez-vous en sortant, il risque de pleuvoir, éclata de rire Marie-Cannelle. À présent, c’est au public de voter, à l’applaudimètre. Ceux qui votent pour le salon de coiffure, c’est à vous !… Et à présent, votez pour les services de la mairie ! Les grands gagnants sont…. Les employés des services techniques ! Félicitations à eux et aux coiffeurs !
L’ambiance au Bazar était des plus festives. Marie-Cannelle songeait, alors que la soirée touchait à sa fin, à ce qu’en aurait pensé Mélie. Elle était persuadée que, de là-haut, sa grand-mère devait s’amuser à les regarder. Elle imaginait son sourire, ses yeux brillants et ses mains fatiguées qui battaient la mesure.
— Dernier duel de la soirée : Gabriel est le capitaine de l’équipe de la boulangerie de l’île. Ils affrontent les pêcheurs de l’Aurore australe ! On leur souhaite bien du courage. Et j’appelle Mélissa pour tirer au sort leur chanson. Ce sera… All I want for Christmas is you.
Marie-Cannelle ne put en dire davantage, prise par un fou rire devant le regard à la fois coléreux et en détresse de son ami. Avant d’attraper le micro, il lui glissa un « tu ne perds rien pour attendre » qui la fit rire plus encore.
Les deux équipes étaient cependant à la hauteur de leur réputation : pleines de courage et de bonne volonté. La fin de la chanson approchait et les dernières phrases étaient répétées en boucle. Gabriel n’était pas le dernier à chanter, les yeux vissés dans le regard de Marie-Cannelle. All I want for Christmas is you, baby.
— Ils ont été merveilleux. On peut les applaudir tous très fort ! L’heure est aux votes ! Le mien ira, et je m’en excuse auprès de nos marins-pêcheurs, pour l’équipe de la boulangerie. Et le premier qui dirait que je ne suis pas impartiale… aurait entièrement raison !
Éclat de rire général. Et on débuta le vote. Il fallut s’y reprendre à deux fois, tant l’enthousiasme des uns prenait le pas sur l’enthousiasme des autres.
— Alors, les grands gagnants sont… Eh bien pour tout vous dire, il semble que nous ne parvenions pas à les départager. Alors je déclare les deux équipes gagnantes !
On entendit quelques commentaires s’élever dans le public, avec des sourire dans la voix :
— C’est de la triche !
— La juge ne veut pas faire perdre son chouchou
— Merci pour votre soutien, reprit Marie-Cannelle. Et merci du fond du cœur d’avoir répondu présent pour cette soirée festive en attendant Noël. On se retrouve dans quelques jours pour la vente aux enchères de Noël et le 24 au soir pour le Dernier noël au Bazar de Mélie. Je vous ai préparé de nombreuses surprises. Les places sont limitées, comme vous l’imaginez. Il en reste quelques-unes, en vente ici et chez Gabriel. Dépêchez-vous ! Il me reste à vous souhaiter à tous une merveilleuse soirée, soyez prudents en rentrant.
Gabriel la rejoint alors que les derniers participants quittaient la boutique. Il lui prit la main pour la féliciter.
— Je suis fier de toi, Caramel, c’était encore une très belle soirée. Tu es douée, finalement ! Et tu as eu une très bonne idée d’épargner les tympans des personnes présentes…
— Merci de ton soutien, ça fait toujours chaud au cœur…
— Mais dis-moi, je n’ai vu ni ton charmant prince, ni sa blanche monture. Où est-il passé ?
— Il a dû attraper un mauvais rhume. Il est resté au chaud ce soir, en espérant être d’attaque pour ce week-end…
— Ah ? Vous avez prévu quelque chose ?
— Je monte passer le week-end chez lui, pour découvrir où il vit et ce qu’il fait. Mais je reviendrai vite, rassure-toi. Et Érine ?
— Sa maman s’est cassé le col du fémur. Elle a glissé en sortant de la douche. Elle sera opérée demain. Du coup, Érine reste avec son père quelques jours.
— Nous voilà bien seuls tous les deux, lâchement abandonnés de tous, sur une toute petite île… Manquerait plus qu’une tempête et tout serait déprimant à souhait ! s’amusa Marie-Cannelle. Un chocolat avant de rentrer ? J’ai réussi à sauver des chamallows des griffes des horribles petits monstres qui viennent me voir régulièrement. Profitons-en, d’autant que nous ne sommes pas attendus…
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