Calendrier de l'avent 2022

20 décembre 2022

Marie-Cannelle s’était levée avec un mal de tête intense. Le paracétamol ne faisant pas effet, elle avait décidé de prendre l’air en compagnie de Pomme. Elles se dirigèrent vers le Fort de Pierre Levée. Le passage qui menait à la fortification était toujours impressionnant, étroit entre deux murs de pierre. Puis on enjambait des douves sur une passerelle qui avait dû être amovible, avant de pénétrer dans le fort à proprement parler. L’ambiance y était très particulière. Les bâtiments, pour une partie à l’abandon, étaient surmontés de végétation. Ils entouraient la moitié d’une immense cour intérieure, l’autre côté était dédié à une butte.

Le fort avait une histoire riche. Des lieux émanaient les souvenirs des nombreuses personnes de passage en ces murs : militaires casernés puis prisonniers d’État, dont le plus illustre d’entre eux, le Maréchal Pétain. Les rires des enfants avaient fait vibrer les vieilles pierres dans les années 60.

Pomme s’élança sur le chemin de ronde, entraînant sa maîtresse derrière elle. Marie-Cannelle soupira et suivit la chienne. L’air frais lui faisait du bien. Ses pensées, même si elles ne se remettaient pas toutes en ordre, semblaient moins embrumées. Le mal de tête, peu à peu, refluait. Alors qu’elle profitait de la vue sur la forêt qui entourait la citadelle, son téléphone vibra dans sa poche.

— Allo ?

— Marie-Cannelle ? Bonjour C’est Pierrick. J’ai une très bonne nouvelle pour nous ! Je pense t’avoir trouvé des acquéreurs ! C’est super, tu ne trouves pas ?

— Quoi ? Déjà ?

— Je t’ai dit que ton petit bijou trouverait vite preneur. Ils veulent visiter aujourd’hui et sont prêts à faire une offre au-dessus du marché. C’est le fils des maraîchers. Avec son épouse, ils remettent sur pied la conserverie et ont besoin de posséder une vraie maison à eux. Et comme ils ont trois enfants, la maison de Mélie sera parfaite. Elle sera pleine de vie. Et ils voulaient absolument un bien typique… Et j’ai deux autres bonnes nouvelles, mais je t’en parlerai de vive voix.

Rendez-vous fut pris une demi-heure plus tard pour que Marie-Cannelle dépose les clés à l’agence immobilière. L’antiquaire était comme sous le choc de cette nouvelle. Tout allait tellement vite. Mais elle n’avait pas vraiment le temps de se poser des questions, si elle voulait être à l’heure, elle devait partir sur le champ. Elle siffla Pomme qui, contre toute attente, se fit prier pour revenir. Quand, enfin, Marie-Cannelle poussa la porte de l’agence, son cœur battait à tout rompre.

— Ah, Marie-Cannelle ! Je te présente Romain et Sophie. Ce sont eux qui souhaitent acquérir la maison de Mélie. Je vous présente Marie-Cannelle, la propriétaire actuelle.

Tout le monde se salua. Le couple semblait joyeux et agréable. Marie-Cannelle se sentit un peu plus en confiance.

— Marie-Cannelle, nous allons visiter tout de suite. Je t’appelle dès que nous avons fini ?

Alors que les visiteurs se dirigeaient vers la maison de Mélie, Marie-Cannelle rejoignit sa boutique. Elle en profita pour appeler Liam, qui s’empressa de la rejoindre.

— Je suis tellement heureux pour toi, pour nous ! Tu vois, tout se met en place. L’univers entier complote pour que nous soyons ensemble. Tu n’auras bientôt plus d’attache ici, à part Gabriel. Et rien ne t’empêchera de revenir le voir de temps en temps.

Marie-Cannelle se blottit dans les bras de Liam. Elle avait besoin de sentir la chaleur de ses bras autour d’elle, d’être réconfortée. Et lorsqu’il l’embrassa, avec une infinie tendresse, son cœur se calma et elle sut qu’elle avait trouvé sa place. Elle profita tranquillement de ces moments de quiétude alors que son quotidien était pris dans une tempête de fêtes. L’arrivée d’un client rompit le charme…

Et lorsque Pierrick l’appela, au moment du déjeuner, Marie-Cannelle était plus décidée que jamais. Elle devait aller de l’avant et le week-end qui s’annonçait serait parfait pour prendre un nouveau départ.

—Ils ont adoré la maison. Ils sont prêts à signer au plus tôt, à un prix légèrement supérieur au marché. C’est une très belle réussite, Marie-Cannelle. Mais il y a autre chose. Bon, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Sophie ne supporte plus de vivre chez ses beaux-parents. Ils souhaiteraient donc emménager le plus tôt possible. Crois-tu que nous puissions faire un contrat de location temporaire, le temps que la vente soit réglée ? Ce sont des acheteurs sérieux, je m’en porte garant.

— Ils voudraient emménager quand exactement ?

— Eh bien… Le plus tôt serait le mieux. Nous sommes mercredi, penses-tu pouvoir libérer les lieux pour… disons lundi ? Tu m’as dit qu’il n’y avait pas tant d’affaires que ça à emmener, et je peux trouver des bras pour t’aider à déménager les meubles si tu veux. Même Sophie et Romain sont prêts à donner un coup de main au besoin.

— Très bien, finissons-en, murmura Marie-Cannelle, même si l’impression d’être au pied du mur était violente.

Ainsi fut conclue la vente. Marie-Cannelle pourrait déposer une partie de ses affaires chez Liam, puisqu’il semblait à présent évident qu’elle partirait avec lui. Elle préféra cependant vivre quelques jours de colocation avec son ami Gabriel, qu’elle allait bientôt quitter. Il était temps pour eux de profiter des derniers moments…

Ainsi donc Pomme, les trois grasses et Marie-Cannelle tentèrent tant bien que mal de trouver leurs marques dans la maison de la Rue du Rendez-vous. Les poules prirent leurs quartiers dans un petit poulailler improvisé. Après qu’elles eurent tenté à plusieurs reprises de becqueter les diverses plantes du potager, Gabriel installa un grillage.

Pomme fut la plus heureuse de la situation. Me rythme de Gabriel était complémentaire de celui de Marie-Cannelle. Le jeudi, lorsque Gabriel se leva au milieu de la nuit, la chienne put profiter du jardin. Et quand le boulanger rentra avec des viennoiseries encore chaudes, elle se pourlécha, humant l’air avec envie. Sa maîtresse, déjà levée, était toute pimpante et le petit déjeuner fut l’occasion pour les deux amis de partager les premiers moments de la journée de Marie-Cannelle. Ils discutèrent de tout et de rien, mais jamais de l’avenir. On eut dit que le départ prochain de la jeune femme était devenu un sujet tabou.

Lorsque Gabriel répondit aux appels du marchand de sable, Marie-Cannelle entraîna la chienne vers la boutique. Il fallait encore organiser la vente aux enchères, sélectionner les pièces qui en feraient partie et celles que la jeune femme voulait encore garder. Certaines étaient déjà réservées, d’autres serviraient à la soirée de Noël, la dernière des dernières. Marie-Cannelle avait également emporté avec elle de nombreux objets de la maison de Mélie, comme le fameux moulin à café, dont elle ne doutait pas qu’il ferait le bonheur de son acquéreur. Et la journée passa au gré des étiquettes et des visites…

Le soir, au lieu du traditionnel karaoké avec Gabriel, Liam vint leur rendre visite. Le boulanger tenta de se montrer aimable mais son animosité envers le nouvel amoureux de son ami n’était un secret pour personne. Et lorsque Marie-Cannelle se dirigea vers sa chambre pour préparer sa valise, un hiver nucléaire tomba sur le salon. Aucun des deux hommes n’adressa la parole à l’autre, absorbés comme une excuse par un reportage sur la Sibérie. Si la situation n’était pas aussi tendue, elle aurait pu prêter à sourire, songea Marie-Cannelle qui, cependant, se hâta de boucler ses bagages pour le week-end, ne souhaitant pas faire perdurer une situation déjà bien chaotique.

Liam parti, l’ambiance se dégivra instantanément.

— Je ne l’aime pas, tu sais, murmura Gabriel en serrant son ami dans ses bras. Mais je veux que tu sois heureuse. Promets-moi que tu es sûre de ton choix.

Marie-Cannelle ne répondit pas. Une larme coula sur sa joue et, avec pudeur, elle se détourna pour concentrer son attention sur le feu qui brûlait paisiblement, hypnotique. Puis, avec un pincement au cœur, elle lui souhaita bonne nuit et disparut. Lorsqu’elle se coucha, elle sentit la fatigue accumulée des jours précédents s’abattre sur elle et elle sombra sans presque s’en rendre compte dans un sommeil lourd. Sa vie allait changer, elle s’y était préparée et ferait face avec fierté, si ce n’était enthousiasme. Liam l’attendait impatiemment et elle sentait que, même si parfois son cœur loupait un battement en songeant à l’avenir, elle avait eu un choix à faire et n’avait d’autre option que de foncer vers ce destin qui semblait être le sien.

Gabriel, lui, resta longuement éveillé, assis dans la pénombre. Pomme, à ses côtés, s’était assoupie et rêvait. Alors que le froid commençait à s’insinuer dans la pièce à mesure que les bûches se consumaient dans la cheminée, le boulanger réfléchissait. Il ignorait les frissonnements qui le prenaient par moment et les douleurs qu’il ressentait sous ses paupières lourdes. Il ne pouvait se résoudre à laisser son amie le quitter comme ça… Il se sentait totalement abandonné, à un point que ça en était douloureux dans la moindre cellule de son corps et de son cœur. Était-ce dû à l’absence d’Érine à ces côtés ou à l’amitié forte qui le liait à la jeune femme ? Il n’aurait su le dire…

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