Calendrier de l'avent 2022

24 décembre 2022

Enfin la journée tant attendue arriva. Marie-Cannelle se réveilla aux aurores, excitée à l’idée de recevoir, pour le Noël du Bazar, tant de personnes en hommage à Mélie. Bien sûr, la tristesse était aussi présente dans son cœur, mais à présent que la page était sur le point de se tourner, elle allait enfin pouvoir se consacrer à son avenir. Si tant est que j’en ai un, songea-t-elle avec une pointe d’amertume. Mais l’heure n’était plus à l’apitoiement, il fallait agir.

Gabriel avait prévu de venir lui tenir compagnie et nombreux étaient ceux des islais qui lui avaient proposé leur aide. La jeune antiquaire avait bien songé, un instant, s’en occuper toute seule, mais la perspective d’installer l’ensemble du dîner entourée d’amis lui avait semblée bien plus agréable.

Il n’était pas encore dix heures lorsque sa mère franchit les portes de la boutique.

— Eh bien ma chérie ! On ne reconnait rien ici, tu as fait des miracles.

Marie-Cannelle rougit du compliment. Elle trouvait que le Bazar de Mélie était un peu vide depuis la vente aux enchères. Mais malgré tout, le lieu restait accueillant. La décoration de Noël emplissait l’espace et les chants qui résonnaient lui donnait un air de fête.

— Papa n’est pas avec toi ?

— Non, il a préféré prendre le cargo avec sa voiture. Il a passé des heures dans la cuisine à préparer des gourmandises de chez lui, il ne voulait pas prendre le risque de tout transporter à la main… Et tu connais ton père…

La jeune femme sourit avant de la serrer dans ses bras.

— Oh allez, trêve de câlins, on s’y met ! Tu dois avoir du travail.

La vérité n’était pas loin. Les deux femmes, aidées de nombreux amis de passage, installèrent, découpèrent, collèrent, placèrent toute la journée afin que la boutique revêtît enfin ses habits de fête.

Après la décoration, Clémence s’attaqua à la cuisine. Là non plus, le travail ne manquait pas. Outre les gourmandises que Marie-Cannelle avait commandée à son boulanger préféré, il fallait encore préparer des amuses-bouches et les boissons froides et chaudes.

Enfin la grande heure sonna au clocher de Notre-Dame-du-Port. Il était temps d’ouvrir les portes. Prenant une grande inspiration, Marie-Cannelle tira les grands rideaux qui masquaient l’intérieur de la boutique et, sous les ovations des voisins et des fêtards, elle permit enfin l’accès. Dire que toute l’île s’était retrouvée là aurait été exagéré, mais nombreux avaient fait le déplacement.

Gabriel fut le premier à entrer. Il saisit son amie par la main et la fit tourner sur elle-même. Sa robe bleu sombre parée de brillants scintilla dans la lumière, projetant dans toute la boutique de petits rayons de joie dorés. On aurait dit une nuit étoilée.

Marie-Cannelle papillonnait d’un groupe à un autre, tantôt un plateau de gourmandises dans les mains, tantôt une corbeille. Aux petits soins, elle avait pour chacun un mot gentil ou une attention délicate. Les tout-petits dormaient à l’étage. Les plus grands s’étaient regroupés dans une alcôve, devant laquelle un grand drap avait été tiré. Ils profitaient de leur intimité pour regarder des films et grignoter, loin des regards des adultes. Quelques adolescents se mêlaient à la fête.

L’ambiance au Bazar de Mélie était plus joyeuse que jamais. Les souvenirs de la vieille dame ressurgissaient parfois au détour d’une conversation mais il y avait des sourires dans les voix et des étoiles dans les yeux. Chacun avait la sensation de passer Noël en famille.

— Marie-Cannelle, tu as encore fait des merveilles. Je me souviens quand tu as repris la boutique. On se demandait si tu allais tout transformer ou si tu réussirais à garder l’esprit de Mélie intact. Eh bien, je crois qu’on peut dire que tu y es parvenue, lança l’ancienne propriétaire du primeur. Ta grand-mère serait fière de toi, crois-moi. N’est-ce pas Jean ?

Jean était le cordonnier. Il venait de prendre sa retraite bien méritée, après des années d’attente d’un repreneur. Lorsque Mathilde l’apostropha, il était plongé dans l’écriture d’un souvenir avec Mélie. Rougissant, il leva les yeux et tenta de reprendre ses esprits.

— Vous disiez, Mesdames ?

— Que Mélie aurait été fière de Marie-Cannelle. Tu dois bien avoir ton avis là-dessus, non ? glissa-t-elle avec un clin d’œil.

— Hmmm. Oui, sans doute… Oh euh oui bien sûr qu’elle serait fière ! Enfin je pense…

Le vieil homme n’en dit pas plus, bafouillant encore quelques onomatopées avant de reprendre son écriture. Puis il tendit la feuille noircie à Marie-Cannelle, lui demandant d’attendre la fin de la soirée pour regarder ce qu’il avait écrit. Elle glissa le mot dans un cahier, sous le comptoir, et rejoignit Gabriel.

— Charmante soirée, tu ne trouves pas ? Tu as peut-être trouvé ta voie.

Marie-Cannelle le regarda, interdite. Elle ne saisissait pas du tout de quoi il était question. Son ami comprit très bien les questionnements dans son regard. Il éclata de rire avant de lui expliquer.

— Tu pourrais te lancer dans l’organisation d’événements, peut-être, suggéra-t-il. Cette soirée est vraiment chouette et tu es doué, je pense. Mais ne te prends pas la tête avec ça ce soir, profite ! Allez viens !

Il la prit par la main pour l’entraîner au centre de la pièce, où une piste de danse avait été improvisée. Plusieurs couples se mouvaient dans un rock endiablé. Ni l’un ni l’autre ne sachant danser, ils bougèrent aussi bien qu’ils le purent, riant aux éclats à mesure que la soirée avançait.

Il faisait noir depuis longtemps lorsqu’on entendit le bruit d’une cuillère qui tapait doucement contre une flute. Clémence demandait la parole.

— Je voulais tout d’abord vous remercier d’être venus aussi nombreux ce soir. La soirée est très réussie, grâce à ma fille qui ne ménage pas sa peine. Et je sais qu’elle y tenait tout particulièrement. Cet hommage à ma chère maman disparue me fait chaud au cœur. Elle a compté pour nous tous et je suis heureuse d’être là, comme elle l’aurait aimé, à n’en pas douter.

Marie-Cannelle souriait, blottie dans les bras de son père.

— Je voulais aussi vous annoncer que le Père-Noël est passé à la boutique ! Quelqu’un peut-il attraper la hotte que nous avons laissée dans la rue ? Et Marie-Cannelle, j’aurais besoin que tu viennes me rejoindre.

La jeune femme était surprise. Elle ne savait vraiment pas à quoi s’attendre. Une hotte immense fut amenée. Elle contenait une grande quantité de paquets, de tailles et de couleurs les plus variées. Sa mère continua :

— Chacun est venu ici avec un petit cadeau pour aider le Père-Noël. Il y a trois catégories : les enfants, les ados et les adultes. Nous allons prendre le temps de les trier, mais la distribution se fera très vite, alors profitez encore de la piste de danse ou servez-vous un verre de vin chaud ou de punch, on revient ! Et toi, Marie-Cannelle, prends le temps de manger un peu, je te connais…

Gabriel rejoignit son amie avec une assiette pleine de gourmandises avant de suivre Clémence. Un marin vint proposer à l’antiquaire un fauteuil et elle s’installa, attendant que les petits lutins répartissent la totalité des paquets. Puis la distribution commença. Les convives piochèrent leur cadeau. Les enfants piaffaient d’impatience. Les adolescents, eux, plongèrent la main dans leur panier avec un air blasé mais les yeux brillants.

L’ouverture fut un grand moment de rigolade. Les plus petits découvrirent des livres, de la pâte à modeler et d’autres activités manuelles. Pour les adolescents, les mangas eurent la part belle, aux côtés d’une collection de petits pétards. Maxence, un sourire dépité sur le visage, découvrit un petit coffret de maquillage. Gabriel reçut un cahier de cuisine, Clémence une planche à découper. Marie-Cannelle découvrit, elle, un diffuseur d’huiles essentiels à brancher sur un port USB. D’autres trouvèrent dans leur cadeau une bougie, des crayons, un tablier… La palme de l’humour revint à l’un des marins qui trouva, dans une grande boîte, une toute petite boule disco à piles, résistante à l’eau pour « éclairer les jours de pluie ».

Quand il ne resta rien et que tous les emballages furent ramassés, Clémence tendit à sa fille un sac en toile de jute, assez lourd.

— Parmi les paquets, certains portaient ton prénom… Le Père-Noël a bien pensé à toi, on dirait !

Marie-Cannelle, encore plus surprise, ouvrait de grands yeux. Elle rougit en saisissant le sac, touchée par la gentillesse dont chacun faisait preuve à son égard. Ouvrant les paquets, elle découvrit plusieurs cadres photos, un mug, différents thés, des gourmandises… Nombreux étaient les petits mots affectueux qui la remerciait de ses idées, de sa bonté. Les islais racontaient aussi leurs trouvailles dans cette caverne d’Ali Baba et les souvenirs qu’ils en garderaient. L’antiquaire en avait les larmes aux yeux. Elle avait l’impression que, au fil des années, Mélie et elle étaient entrées dans la vie et dans les maisons de chacun des habitants de l’île d’Yeu.

Mais on ne lui laissa pas le temps de pleurer. Déjà la musique reprenait ses droits et l’ambiance reprit de plus belle, jusque tard dans la nuit… On discuta, on dansa, on chanta et chacun repartit retrouver son lit bien après minuit…

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